Londres + Paris

Projet en cours : deux collectifs artistiques repensent leurs quartiers

En mars, adidas Originals et Foot Locker Europe, en partenariat avec VICE, ont lancé un projet créatif communautaire. L'objectif était clair : rapprocher deux collectifs artistiques, deux villes, deux quartiers par l'intermédiaire de l'art.

Depuis trop longtemps, les banlieues sont négligées au profit des intérêts commerciaux. Les centres communautaires ont fait place à des appartements de luxe, les squares de quartiers sont devenus des jardins privés, les peintures murales ont disparu sous les panneaux d'affichage. L'idée de ce projet est de tenter de mettre en avant la différence, en collaboration avec des communautés afin de produire des œuvres d'art qui les représentent.

Mais, alors que les chantiers avaient déjà démarré, des mesures de confinement ont été mises en place dans toute l'Europe : la population a été forcée de cesser toute activité professionnelle et de s'isoler, laissant de nombreuses personnes sur le carreau. Plutôt que d'interrompre le projet, l'onde de choc a en fait permis d’en souligner son importance et ses objectifs. Alors que le monde affronte la crise, l'importance de la communauté a pris une place centrale. Face au désastre, nous consolidons nos rapports avec l’autre de manière inattendues et nouvelle. Renforcer ces liens par la création artistique n'a jamais semblé aussi important qu'aujourd'hui.

Les deux collectifs artistiques, l'un français, Never Stop Koloring (N.S.K.), et l'autre, londonien, Last Night in Paris (LNiP), se sont attelés à célébrer respectivement les rues de Saint-Denis, à Paris, et celles de Brixton, à Londres. Avant le confinement, ils ont organisé des réunions avec des membres de chaque communauté, formulé des idées, qui ont permis de façonner le résultat final dont le rendu a non seulement une place légitime dans le quartier, mais a aussi été inspiré par ce même quartier.

Nous avons rencontré les deux groupes pour en savoir plus sur leur action, et voir où ils en sont actuellement.

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Si Never Stop Koloring est déjà bien au fait de la dynamique de Saint-Denis, ils ont souhaité donné la parole à ses résidents afin que le projet soit entièrement représentatif du quartier. Dans ce but, ils ont organisé une rencontre avec les résidents, en collaboration avec adidas, Foot Locker, et Christelle, membre de la communauté. Résultat : ils ont découvert un quartier aux prises avec sa perception par le reste du monde, en particulier les jugements négatifs liés à la criminalité et à l'immigration.

« Je me sens en sécurité ici, » a déclaré une voix lors de la rencontre, faisant écho à des frustrations largement ressenties. « Les gens ont toujours une vision négative de la banlieue, mais ici, c’est chez moi, et c’est là où je m'épanouis. »

Il est vite apparu à N.S.K. que son projet se devait de balayer ces mythes. Les discussions qui se sont tenues avec les résidents de Saint-Denis pendant et depuis la rencontre, ont montré à quel point le quartier a de la couleur à revendre ; et combien, loin de se définir par la peur, déborde d’énergie, de diversité et de richesse culturelle. Dans cette optique, l'œuvre du collectif va substituer aux bleu, blanc, rouge du drapeau français les couleurs cyan, jaune et magenta : trois couleurs pour représenter la France d'aujourd'hui dans tout son éclat et sa diversité. Ce nouveau drapeau sera exposé sur un terrain de basket, où il pourra être vu par les membres de la communauté, en particulier par les jeunes, qui passeront ou joueront devant régulièrement.

N.S.K. espère le voir devenir un symbole d'espoir, un rassemblement de couleurs représentant différents groupes qui vivent ensemble de façon productive et harmonieuse.

Les gens ont toujours une vision négative de la banlieue, mais ici, c’est chez moi, et c’est là où je m'épanouis.

Les membres fondateurs de l’équipe londonienne Last Night in Paris ont grandi ensemble dans le sud de Londres, ce qui leur confère un regard unique sur ce quartier. Cela dit, Brixton et les banlieues avoisinantes ont connu un changement rapide ces dernières années, et les conversations du collectif avec les résidents y font écho. En collaboration avec le DJ Henri VIII de la radio Reprezent, et aux côtés d’adidas et de Foot Locker, le collectif a organisé une rencontre avec des résidents de Brixton pour connaître leur avis sur la transformation du quartier. Il en est ressorti un mélange de fierté pour leur quartier, et d’incertitude quant à sa trajectoire.

« Les choses changent si vite ici. J’aimerais vraiment avoir une visualisation de ce changement, » a déclaré un résident. « Certains trouvent que le changement est négatif. Pour moi, ce n’est pas forcément le cas, mais il ne faut pas oublier d'où et comment il est venu. »

Sur la base de ce thème du changement, mais en l'ancrant dans un concept positif pour la communauté, LNiP s’est tourné vers l’idée des générations, plus particulièrement la façon dont les générations plus âgées peuvent contribuer à valoriser la suivante. L’œuvre réalisée associera cette image à un avertissement sous la forme d’un arbre stérile, dont le dernier fruit est cueilli. Ces représentations connoteront l’idée du changement inhérent à la vie, mais en soulignant la nécessité d’en garantir la viabilité pour tous, sans considération de groupe, de culture ou d’âge. L’œuvre célébrera aussi Brixton, un quartier dont les résidents sont fiers, de même que LNiP.

Les choses changent si vite ici. J’aimerais vraiment avoir une visualisation de ce changement

un résident

Sur la base de ces conversations et premières idées, les deux équipes finissent de parachever leurs œuvres pendant et après leur confinement à Saint-Denis et Brixton, avant de les dévoiler sous forme numérique au mois de juin. Puis, tandis que les choses reviendront progressivement à la normale, les réalisations prendront vie sous leur forme prévue à l’origine : au sein de la communauté, en tant que symboles persistants des difficultés surmontées ensemble.

Les résultats, quelles que soient leur couleur ou leur forme, seront des œuvres d'art véritablement public. Réalisées avec, pour et par la population.

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